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LA RÉVOLUTION


chrétiennes, nous faisons commencer l’ère nouvelle à l’avènement de la République, nous divisons l’année d’après le système métrique, nous nommons les mois d’après les vicissitudes des saisons, « nous substituons partout les réalités de la raison aux visions de l’ignorance, les vérités de la nature au prestige sacerdotal[1] », la décade à la semaine, le décadi au dimanche, les fêtes laïques aux fêtes ecclésiastiques[2]. Chaque décadi, par une pompe solennelle et savamment composée, nous faisons pénétrer dans l’intelligence populaire l’une des hautes vérités qui sont nos articles de foi ; nous glorifions, par ordre de dates, la Nature, la Vérité, la Justice, la Liberté, l’Égalité, le Peuple, le Malheur, le Genre humain, la République, la Postérité, la Gloire, l’Amour de la Patrie, l’Héroïsme et les autres Vertus. Nous célébrons en outre les grandes journées de la Révolution, la prise de la Bastille, la chute du trône, le supplice du tyran, l’expulsion des Girondins. Nous aussi, nous avons nos anniversaires, nos saints, nos martyrs, nos reliques, les reliques de Châlier et de Marat[3],

  1. Buchez et Roux, XXXI, 415 (Rapport de Fabre d’Églantine, 6 octobre 1793. — Grégoire, Mémoires, I, 341). « Le calendrier nouveau (fut) inventé par Romme pour détruire le dimanche : c’était son but ; il me l’a avoué. »
  2. Ib., XXXII, 274 (Rapport de Robespierre, 18 floréal an II). Les fêtes nationales (sont) une partie essentielle de l’éducation publique… Un système de fêtes nationales (est) le plus puissant moyen de régénération. »
  3. Ib., XXVIII, 345. — Le cœur de Marat, placé sur un autel au club des Cordeliers, fut l’objet d’un culte. — Grégoire, Mémoires, I, 341. « Dans quelques écoles, on faisait faire le signe de la croix au nom de Marat, Lazowski, » etc.