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LE PROGRAMME JACOBIN


mêmes, se prétendent les représentants de la nation, mesurez le degré de confiance que je puis avoir, même après des élections loyales, en des mandataires ainsi nommés. — Souvent j’ai voté pour le candidat battu ; alors je suis représenté par l’autre dont je n’ai pas voulu pour représentant. Quand j’ai voté pour l’élu, ordinairement c’est faute de mieux, et parce que son concurrent me semblait pire. Lui-même, les trois quarts du temps, je ne l’ai point vu, sauf à la volée ; à peine si je sais de lui la couleur de son habit, le timbre de sa voix, sa façon de poser la main sur son cœur. Je ne le connais que par sa profession de foi, emphatique et vague, par des déclamations de journal, par des bruits de salon, de café ou de rue. Ses titres à ma confiance sont des moins authentiques et des plus légers ; rien ne m’atteste son honorabilité, ni sa compétence ; il n’a point de diplôme ou de répondant, comme le précepteur ; il ne m’est point garanti par sa corporation, comme le médecin, le prêtre et l’homme de loi ; sur des certificats aussi nuls que les siens, j’hésiterais à prendre un domestique. D’autant plus que la classe où presque toujours je suis obligé de le prendre est celle des politiciens, classe suspecte, surtout en pays de suffrage universel ; car elle ne s’y recrute point parmi les hommes les plus indépendants, les plus capables et les plus honnêtes, mais parmi les intrigants bavards et les charlatans convaincus ; ceux-ci, ayant échoué, faute de tenue, dans les carrières privées où l’on est surveillé trop exactement et jugé de trop près, se sont rejetés vers les voies où le

  la révolution. v.
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