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LA RÉVOLUTION


général d’armée, et général vainqueur : rien qu’à observer deux fois la façon dont les Vendéens se battent, il trouverait le moyen de finir la guerre « à la première rencontre[1] ». — « Si je pouvais supporter la route, je m’offrirais pour mettre mes vues à exécution ; à la tête d’un petit corps de troupes sûres, il est facile d’ensevelir, dans un seul jour, jusqu’au dernier des rebelles. Je ne suis pas étranger à l’art militaire, et je pourrais sans jactance répondre du succès. » — S’il y a des difficultés, c’est parce qu’on n’a point écouté ses avis ; il est le grand médecin politique : depuis le commencement de la Révolution, son diagnostic a toujours été sûr, son pronostic infaillible, sa thérapeutique efficace, humaine et salutaire. Il apporte la panacée, permettez qu’il l’administre ; seulement, pour qu’elle opère bien, il doit l’administrer lui-même. Mettez donc entre ses mains la lancette publique, afin qu’il puisse pratiquer la saignée humanitaire. « Telle a été mon opinion, je l’ai imprimée dans mes écrits, j’y ai mis mon nom et je n’en rougis pas. Si vous n’êtes pas à la hauteur de m’entendre, tant pis pour vous[2]. » En d’autres termes, aux yeux de Marat, Marat, unique entre tous par la supériorité de son génie et de son caractère, est l’unique sauveur.

  1. Journal de la République française, numéro du 6 juillet 1793.
  2. Moniteur (séance de la Convention, 25 septembre 1792). — Effectivement, Marat n’a jamais cessé de demander pour lui-même une dictature temporaire. (L’Ami du peuple, nos 258, 268, 466, 668 ; et Appel à la Nation, 53.)