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LES GOUVERNANTS


« poignards, je me dévoue à toutes les haines… Je suis certain de payer de ma tête les vérités que je viens de dire, j’ai fait le sacrifice de ma vie, je recevrai la mort presque comme un bienfait. » — Le ciel m’appelle peut-être à tracer de mon sang la route qui doit conduire mon pays au bonheur et à la liberté ; j’accepte avec transport cette douce et glorieuse destinée[1]. » — « Ce n’est point pour vivre qu’on déclare la guerre à tous les tyrans, et, ce qui est plus dangereux encore, à tous les fripons… Plus ils se dépêchent de terminer ma carrière ici-bas, plus je veux me hâter de la remplir d’actions utiles au bonheur de mes semblables[2]. » — « Tous les fripons m’outragent[3] ; les actions les plus indifférentes, les plus légitimes de la part des autres, sont des crimes pour moi. Un homme est calomnié dès qu’il me connaît. On pardonne à d’autres leurs fortunes ; on me fait un crime de mon zèle. Ôtez-moi

    anathème pour le bon peuple de France », et, précisément à la même date, il écrivait : « Les écrivains populaires seront traînés dans les cachots ; l’Ami du peuple, dont le dernier soupir sera pour la patrie et dont la voix fidèle vous appelle encore à la liberté, aura pour tombeau un four ardent » — La différence des deux imaginations est bien marquée par ce dernier mot.

  1. Hamel, II, 122 (séance du 10 février 1792, aux Jacobins). « Ce n’est pas assez d’obtenir la mort de la main des tyrans, il faut l’avoir méritée ; s’il est vrai que les premiers défenseurs de la Liberté doivent en être les martyrs, ils ne doivent mourir qu’en entraînant avec eux la tyrannie au tombeau. » — Cf. ib., II, 215 (séance du 27 avril 1792).
  2. Ib., II, 513 (Discours à la Convention, 7 prairial an II).
  3. Buchez et Roux, XXXIII, 422, 445, 447, 457 (Discours à la Convention, 8 thermidor an II).