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LES GOUVERNANTS


de Fréron, de Tallien, de Bourdon, de Collot, parmi les soi-disant révolutionnaires ! combien de dissidents déguisés en orthodoxes, de charlatans déguisés en patriotes, de pachas déguisés en sans-culottes[1] ! Ajoutez cette vermine à celle que veut écraser Marat : ce n’est plus par centaines de mille, c’est par millions, comme le crient Baudot, Jeanbon-Saint-André, Guffroy, qu’il faut compter les coupables et abattre les têtes. — Et toutes ces têtes, Robespierre, selon ses maximes, doit les abattre. Il le sait ; si hostile que soit son esprit aux idées précises, parfois dans son cabinet, seul à seul avec lui-même, il voit clair, aussi clair que Marat. Du premier élan, la chimère de Marat, à tire-d’aile, avait emporté son cavalier frénétique jusqu’au charnier final ; celle de Robespierre, voletant, clopinant, y arrive à son tour ; à son tour, elle demande à paître, et l’arrangeur de périodes, le professeur de dogmes commence à mesurer la voracité de la bête monstrueuse sur laquelle il est monté. Plus lente que l’autre et moins carnassière en apparence, elle est plus dévorante encore ; car, avec des griffes et des dents pareilles, elle a de plus vastes

  1. Buchez et Roux, XXXV, 290 (Institutions par Saint-Just). « La Révolution est glacée ; tous les principes sont affaiblis ; il ne reste que des bonnets rouges portés par l’intrigue. » — Rapport de Courtois, pièces justificatives, n° 20 (Lettre de Peys et Rompillon, président et secrétaire du comité de surveillance de Saint-Calais, à Robespierre, 15 nivôse an II). « Douze à quinze hommes seulement, sur lesquels tu peux compter comme sur toi-même, composent ici la Montagne. Le reste est trompé, séduit, égaré, corrompu, entraîné, et l’esprit public (est) perdu par l’or et l’intrigue des honnêtes gens. »


  la révolution. v.
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