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LA RÉVOLUTION


« couleur mixte, ne se mettre mal avec personne. Les plus prudents ne s’asseyaient jamais ; ils restaient hors des bancs, au pied de la tribune, et dans les occasions éclatantes ils se glissaient furtivement hors de la salle. » La plupart se réfugient dans leurs comités ; chacun tâche de se faire oublier, d’être obscur, nul, absent[1]. Pendant les quatre mois qui suivent le 2 juin, la salle de la Convention est à moitié ou aux trois quarts vide ; l’élection du président ne réunit pas deux cent cinquante votants[2] ; il ne se trouve que deux cents voix, cent voix, cinquante voix pour nommer le Comité de Salut public et le Comité de Sûreté générale ; il n’y a qu’une cinquantaine de voix pour nommer les juges du Tribunal révolutionnaire ; il y a moins de dix voix pour nommer leurs suppléants[3] ; il n’y a point de voix du tout pour adopter le décret d’accusation contre le député Dulaure[4] : « Aucun membre ne se lève ni pour ni contre ; il n’y a pas de vote » : néanmoins le président prononce que le décret est rendu, et « le Marais laisse faire ». — « Crapauds du Marais », on les appelait ainsi avant le 2 juin,

  1. Moniteur, XVIII, 38 (Discours d’Amar, rapporteur, 3 octobre 1793). « La conduite, en apparence nulle, de la minorité de la Convention depuis le 2 juin, est un nouveau plan de conspiration concerté par Barbaroux. »
  2. Mortimer-Ternaux, VIII, 44. Élection de Collot d’Herbois comme président par 151 voix sur 241 votants, le 13 juin 1793. — Moniteur, XVII, 366. Élection de Hérault de Séchelles comme président par 155 voix sur 236 votants, le 3 août 1793.
  3. La Révolution, VI, chap. II, 31, note 2. — Mortimer-Ternaux, VIII, 435 (Les trois suppléants réunissent, le premier 9 voix, le second 8 voix, le troisième 5 voix).
  4. Marcelin Boudet, les Conventionnels d’Auvergne, 206.