Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 7, 1904.pdf/298

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
290
LA RÉVOLUTION


villes qui vont manquer de pain ; pour Prieur, de fabriquer et convoyer des biscuits, de l’eau-de-vie, des habits, des souliers, de la poudre et des armes ; pour Jeanbon, d’équiper des vaisseaux et de discipliner des équipages ; pour Carnot, de dresser des plans de campagne et de diriger des mouvements d’armées : tant de sacs de grains à fournir pour la quinzaine suivante à telle ville et à ramasser dans tels districts ; tant de rations à confectionner dans la semaine et à faire transporter dans le mois à tel endroit de la frontière ; tant de pêcheurs à transformer en artilleurs ou en gabiers et tant de vaisseaux à mettre à flot dans les trois mois ; tant de cavalerie, infanterie, artillerie à faire marcher par tels chemins pour arriver tel jour à tel gué ou à tel col, voilà des combinaisons précises qui purgent l’esprit des phrases dogmatiques, qui rejettent sur l’arrière-plan le jargon révolutionnaire, qui maintiennent un homme dans le bon sens et dans la raison pratique ; d’autant plus que trois d’entre eux, Jeanbon, ancien capitaine de navire marchand, Prieur et Carnot, officiers du génie, sont des gens du métier, et vont sur place pour mettre eux-mêmes la main à l’ouvrage. Jeanbon, toujours en mission sur les côtes, monte un vaisseau dans la flotte qui sort de Brest pour sauver le grand convoi d’Amérique[1] ; Carnot, à Watignies, impose à Jourdan la manœuvre décisive, et, le fusil à la main, marche avec les

  1. Sainte-Beuve, Nouveaux Lundis, VIII, 105 (Rapport inédit du contre-amiral Villaret de Joyeuse, 28 mai 1794).