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LES GOUVERNANTS


Robespierre a dit à Carnot : « Je t’attends à la première défaite[1] ». Un autre jour, Robespierre en fureur a crié que « le Comité conspirait contre lui » ; et, se tournant vers Billaud : « Je te connais maintenant. » Billaud a répondu : « Et moi aussi, je te connais comme un contre-révolutionnaire[2]. » Contre-révolutionnaires et conspirateurs, il y en a donc dans le Comité lui-même ; comment faire pour éviter ce nom qui est une sentence de mort ? — Silencieusement, la figure fatale qui trône au milieu d’eux, l’Êrynnie, par laquelle ils règnent, a rendu son oracle, et tous les cœurs l’entendent : « Ceux-là parmi vous seront des conspirateurs et des contre-révolutionnaires qui ne voudront pas être des bourreaux. »

V

Ils marchent ainsi pendant douze mois, poussés par la théorie et par la peur comme par deux fourches, à travers la mare rouge qu’ils font et qui de jour en

    les fois que je lui parlais ; je tenais la même conduite avec Couthon et Saint-Just. »

  1. Carnot, I, 325 (témoignage de Prieur). — Ib., 522. Paroles de Saint-Just à Carnot : « C’est toi qui es lié avec les ennemis des patriotes : sache qu’il me suffirait de quelques lignes pour dresser ton acte d’accusation et te faire guillotiner dans deux jours. »
  2. Buchez et Roux, XXX, 185 (Réponse de Billaud, Collot, Vadier, Barère, aux accusations renouvelées contre eux par Lecointre). — Moniteur, XXIV, 84 (séance du 7 germinal an III). Paroles de Barère : « Le 4 thermidor, au Comité, Robespierre parla comme un homme qui avait des ordres à donner et des victimes à désigner… » « Et toi, Barère, dit-il, tu te souviendras du 2 thermidor et du rapport que tu as fait. »