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LA RÉVOLUTION


jour devient plus profonde, tous ensemble et solidaires, nul n’osant s’écarter du groupe, chacun éclaboussé par le sang que les pieds des autres lui font sauter au visage. Très promptement leur vue se trouble ; ils ne se dirigent plus, et la dégradation de leur parole montre la stupeur de leur pensée. — Quand un gouvernement apporte et motive à la tribune des décrets graves, il comparaît devant la nation, devant l’Europe et devant l’histoire ; s’il a quelque soin de son propre honneur, il choisit des rapporteurs qui ne soient pas indignes, et il les charge de bien lier des raisons à peu près valables ; délibéré et adopté par le conseil entier, le rapport doit donner la mesure de sa capacité, de son information et de son bon sens. — Lisez, pour avoir cette mesure, les rapports débités au nom du Comité ; pesez les considérants, notez le ton, écoutez les deux rapporteurs ordinaires, Saint-Just qui rédige les décrets de proscription particulière ou générale[1], Barère qui rédige tout indifféremment, mais surtout les annonces militaires et les décrets contre l’étranger ; jamais personnages publics, parlant à la France et à la postérité, n’ont si outrageusement déraisonné et si impudemment menti.

  1. Saint-Just, Rapport sur les Girondins, 8 juillet 1793 ; sur la nécessité de détenir les personnes ennemies de la Révolution, 26 février 1794 ; sur les Hébertistes, 13 mars ; sur l’arrestation d’Hérault de Séchelles et Simond, 17 mars ; sur l’arrestation de Danton et consorts, 31 mars ; sur la police générale, 15 avril. — Cf. aussi son rapport pour faire déclarer le gouvernement révolutionnaire jusqu’à la paix, 10 octobre 1793, et son rapport du 9 thermidor an II.