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LA RÉVOLUTION


« bien le tuer eux-mêmes, et le manger aussi, comme des sauvages qu’ils sont. » Ce sergent, homme inculte, n’était pas la hauteur du Comité ni de Barère ; et pourtant Barère a fait de son mieux, un réquisitoire de vingt-sept pages, à grand orchestre, avec toutes les ritournelles en vogue, mensonges flagrants et niaiseries d’apparat, expliquant que « le léopard britannique » a soudoyé l’assassinat des représentants ; que le cabinet de Londres vient d’armer la petite Cécile Renault, « nouvelle Corday », contre Robespierre ; que l’Anglais, naturellement barbare, « ne peut démentir son origine ; qu’il descend des Carthaginois et des Phéniciens ; que jadis il vendait des peaux de bêtes et des esclaves ; qu’il n’a pas changé son commerce ; que jadis César, débarquant dans le pays, n’y trouva qu’une peuplade féroce, se disputant les forêts avec les loups et menaçant de brûler tous les bâtiments qui tentaient d’y aborder ; qu’elle est toujours la même. » Une conférence d’opérateur forain qui, avec de grands mots, recommande les amputations larges, un prospectus de foire si grossier qu’un pauvre sergent n’en est pas dupe, tel est l’exposé des motifs sur lesquels ce gouvernement appuie un décret qu’on dirait rendu chez les Peaux-Rouges ; à l’énormité des actes il ajoute la dégradation du langage, et ne trouve que des inepties pour justifier des atrocités.