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LA RÉVOLUTION


chambre, une dame vient l’attendre, au milieu de vingt sans-culottes, pour solliciter l’élargissement de son mari. Dumont arrive en robe de chambre, s’assoit, écoute la supplique : « Assieds-toi, citoyenne. » Il la prend sur ses genoux, lui fourre la main dans la poitrine et dit, ayant tâté : « Je n’aurais jamais cru que les tétons d’une ci-devant marquise se fondissent ainsi sous la main d’un représentant du peuple. » Grands éclats de rire des sans-culottes ; il renvoie la pauvre femme et garde le mari sous les verrous ; le soir, il peut écrire à la Convention qu’il fait lui-même ses enquêtes, et qu’il examine les aristocrates de près. — Pour se maintenir à ce degré d’entrain révolutionnaire, il est bon d’avoir une pointe de vin dans la tête, et, à cet effet, la plupart prennent leurs précautions. — À Lyon[1], « les représentants envoyés pour assurer le bonheur du peuple », Albitte et Collot, « requièrent la commission des séquestres de faire apporter chez eux 200 bouteilles du meilleur vin qu’ils pourront trouver, et, en outre, 500 bouteilles de vin rouge de Bordeaux, première qualité, pour leur table ». — En trois mois, à la table des représentants qui dévastent la Vendée, on vide 1974 bouteilles de vin[2], prises chez les émigrés de la ville ; « car,

    nières étaient tenues d’y former ce qu’on appelait la chaîne de l’Égalité. Nous autres dragons, nous étions les acteurs forcés de cet étrange ballet. »

  1. Comte de Martel, Fouché, 418 (Arrêté d’Albitte et de Collot, 13 nivôse an II).
  2. Camille Boursier, Essai sur la Terreur en Anjou, 225. — Lettre de Vacheron, 15 frimaire an II. « Républiquain, il faut absolument que, tout de suite, tu fasses venir ou apporter dans