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LA RÉVOLUTION


« qu’eux. Des calculs, des combinaisons froides, des tentes, des camps, des redoutes ? Tout cela est inutile. Les irruptions, l’arme blanche, voilà la seule guerre qui désormais convienne aux Français. » Destituer, guillotiner, désorganiser, marcher en avant les yeux clos, prodiguer les vies au hasard, faire battre l’armée, parfois se faire tuer eux-mêmes, ils ne savent pas autre chose, et perdraient tout, si les effets de leur incapacité et de leur arrogance n’étaient pas atténués par le dévouement des officiers et par l’enthousiasme des soldats. — Même spectacle à Charleroy, où, par l’absurdité de ses ordres, Saint-Just fait de son mieux pour compromettre l’armée, et part de là pour se croire un grand homme[1]. — Même spectacle en Alsace, où Lacoste, Baudot, Ruamps, Soubrany, Milhaud, Saint-Just et Le Bas, par l’extravagance de leurs rigueurs, font de leur mieux pour dissoudre l’armée, et s’en glorifient. Installation du tribunal révolutionnaire au quartier général, le soldat invité à dénoncer ses officiers, promesse d’argent et de secret au délateur, nulle confrontation entre lui et l’accusé, « point d’instruction, point d’écritures, même pour libeller le jugement, un simple interrogatoire dont on ne prend point note, l’accusé arrêté à huit heures, jugé à neuf et fusillé à dix[2] ». Naturellement, sous un pareil régime personne ne veut plus commander ; déjà, avant l’arrivée de Saint-Just,

  1. Sybel (traduction Dosquet), II, 435, III, 132, 140 (pour les détails et les autorités). — Cf. les mémoires du maréchal Soult.
  2. Gouvion-Saint-Cyr, Mémoires sur les campagnes de 1792 à la