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LES GOUVERNANTS


car, au moment décisif, le danger imminent de sa maîtresse lui donnera du courage contre Robespierre, et la jolie femme, qui est bonne fille, lui demande, non des meurtres, mais des pardons. — D’autres, galants comme lui, mais avec moins de goût, recrutent pour leurs plaisirs, rudement, en viveurs de passage, soit que la peur soumette l’honneur des femmes à leurs fantaisies, soit que le trésor public défraye leurs habitudes de corps de garde. À Blois, pour cette sorte de dépense, Guimberteau s’acquitte avec des mandats sur le produit de la taxe révolutionnaire[1]. Carrier, à Nantes, s’est fait céder la maison et le jardin d’un particulier pour y établir « son sérail » ; je laisse à penser si, quand il veut être en tiers dans un ménage, le mari fait des objections ; d’autres fois, à l’hôtel Henri IV, « avec ses amis et des filles qu’il a mises en réquisition, il fait des orgies » ; il en fait aussi sur la galiote aux noyades ; là, sur la fin d’une ribote, on lui chante des chansons gaies, par exemple la chanson de la Gamelle[2] : il a besoin de distractions. — Quelques-uns, gens avisés, songent en outre au solide et se nantissent en vue de l’avenir : au premier rang, Tallien, le roi des voleurs, mais prodigue, et dont les poches percées ne s’emplissent que pour se vider ; Javogues, qui exploite Montbrison ; Rovère, qui pour

  1. Buchez et Roux, XXXIII, 12 (Extrait des Mémoires de Senar). « les copies certifiées des mandats de cette nature sont déposées au Comité de sûreté générale. »
  2. Rapport de Courtois, 360 (Lettres de Jullien à Robespierre, 15 et 16 pluviôse an II). — Buchez et Roux, XXXIV, 199, 200, 202, 203, 211 (Dépositions de Villemain, Monneron, Legros,