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LES GOUVERNANTS


deux cent dix Lyonnais. Collot, La Porte et Fouché font ripaille, en grande compagnie, les jours de fusillade, et, au bruit de la décharge, se lèvent, avec des cris d’allégresse, en agitant leurs chapeaux[1]. À Toulon, c’est Fréron en personne qui commande et fait exécuter sous ses yeux le premier grand massacre du champ de Mars[2]. — Sur la place d’Arras, M. de Vielfort, déjà lié et couché sur la planche, attendait la chute du couperet. Lebon paraît au balcon du théâtre, fait signe au bourreau d’arrêter, ouvre le journal, lit et commente à haute voix, pendant plus de dix minutes, les succès récents des armées françaises ; puis, se tournant vers le condamné : « Va, scélérat, apprendre à tes pareils les nouvelles de nos victoires[3]. » — À Feurs, où les fusillades se font chez M. du Rosier, dans la grande allée du parc, la fille de la maison, une toute jeune femme, vient en pleurant demander à Javogues la grâce de son mari. « Oui, ma petite, répond Javogues, demain tu l’auras chez toi. » En effet, le lendemain, le mari est fusillé, enterré dans l’allée[4]. — Manifestement, le métier a fini par leur agréer ; comme leurs prédécesseurs de septembre, ils s’enivrent de leurs meurtres ; autour d’eux, on parle en termes gais « du théâtre rouge, du rasoir national » ; on dit d’un aristocrate qu’il va

  1. Guillon, Histoire de la ville de Lyon pendant la Révolution, II, 427, 431, 433.
  2. Mémoire historique par le citoyen Fréron (dans la collection Barrière), 357 (témoignage d’un des survivants).
  3. Paris, II, 32.
  4. Delandine, Tableau des prisons de Lyon, 14.


  la révolution. v.
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