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LE GOUVERNEMENT RÉVOLUTIONNAIRE


disculpe et se justifie ; elle dérobe aux Girondins les griefs qu’ils faisaient sonner, la popularité qu’ils se croyaient acquise[1], les axiomes qu’ils agitaient comme des étendards. — Dès lors, le terrain sur lequel les opposants bâtissaient se dérobe sous leurs pieds, les matériaux qu’ils assemblaient fondent dans leurs mains, leur ligue se disloque avant d’être faite, et l’incurable faiblesse du parti se montre au grand jour.

Et d’abord, dans les départements comme à Paris, le parti est sans racines[2]. Depuis trois ans, les gens sensés, rangés, occupés, qui ne sont politiques ni de goût ni de métier, les neuf dixièmes des électeurs, s’abstiennent aux élections, et dans cette grosse masse les Girondins n’ont point d’adhérents. De leur propre aveu[3], elle demeure attachée aux institutions de 1791 qu’ils ont renversées ; si elle les estime, c’est en qualité de « fous extrêmement honnêtes ». Encore cette estime est-elle mêlée d’aversion : elle leur reproche les décrets violents qu’ils ont rendus de concert avec la Montagne, persécutions, confiscations, injustices et cruautés de toute

  1. Albert Babeau, II, 83 (Brochure du curé de Clergy). « Chaque assemblée primaire qui accepte la Constitution assène sur la tête des factieux un coup de la massue d’Hercule. »
  2. Cf. la Révolution, VI, livre III, ch. i.
  3. Paroles de Buzot. — Archives nationales, AF, II, 107 (Rapport de Baudot et d’Ysabeau à la Convention). Le 19 août 1793, à l’hôtel de ville de Bordeaux, ils ont fait l’éloge du 21 janvier : « Il y eut alors un rugissement aussi affreux que général… Un officier municipal nous répondit froidement : Que voulez-vous ? Pour nous opposer à l’anarchie, nous avons été forcés de nous réunir aux aristocrates, et ils nous dominent. » — Un autre dit ironiquement à Ysabeau : « Nous ne nous attendions pas à cela ; ce sont nos tribunes. »