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LA RÉVOLUTION


bourse, n’est pas disposé à payer de sa personne, et cela est vrai des Girondins comme des Feuillants. « À Marseille[1], dit un député, à Bordeaux, dans presque toutes les villes principales, le propriétaire, lent, insouciant, timide, ne pouvait se résoudre à quitter un instant ses foyers ; c’étaient des mercenaires qu’il chargeait de sa querelle et de ses armes. » Seuls les fédérés de la Mayenne, de l’Ille-et-Vilaine et surtout du Finistère étaient « des jeunes gens bien élevés, très instruits de la querelle qu’ils allaient soutenir ». En Normandie, le comité central, faute de mieux, est obligé de ramasser ses recrues soldées, notamment ses artilleurs, dans la bande des carabots, jadis jacobins, drôles à tout faire, pillards et fuyards, qui se sauveront au premier coup de canon. À Caen, Wimpffen ayant convoqué sur le Cours les huit bataillons de la garde nationale et demandé des hommes de bonne volonté, dix-sept sortent des rangs et se présentent ; le lendemain une réquisition officielle n’obtient que cent trente combattants ; sauf Vire, qui fournit une vingtaine d’hommes, les autres villes refusent leur contingent. Bref, l’armée de marche ne se forme pas, ou ne marche point, ou s’arrête aux premières étapes, celle d’Évreux en avant de Vernon, celle de Marseille dans les murs d’Avignon.

D’autre part, en leur qualité d’honnêtes gens et de logiciens, les révoltés ont des scrupules et limitent eux-

  1. Louvet, Mémoires, 124, 129. — Buchez et Roux, XXVII, 360 (Notice par le général de Wimpffen). — Cf. Puisaye, Mémoires, et l’Insurrection normande, par Vaultier et Mancel.