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LA RÉVOLUTION


semaine par ceux que la confiscation peut encore épargner[1] ; on proclame en principe que le superflu de chaque particulier est le patrimoine des sans-culottes, et que tout ce qu’il conserve au delà du strict nécessaire est un vol commis par lui au détriment de la nation[2]. Conformément à cette règle, une rafle universelle et prolongée pendant six mois met toutes les fortunes d’une cité de 120 000 âmes aux mains de ses chenapans. Trente-deux comités révolutionnaires, « dont les membres se tiennent comme teignes, choisissent des milliers de gardiateurs à leur dévotion[3] » ; dans les hôtels et magasins séquestrés, ils ont apposé les scellés sans dresser d’inventaire ; ils ont chassé du logis la femme, les enfants, les domestiques, « pour n’avoir pas de témoins » ; ils ont gardé les clefs, ils entrent et sortent à volonté, ou s’installent pour faire des orgies avec des filles. — En même temps, on guillotine, on fusille, on mitraille ; officiellement, la commission révolutionnaire avoue 1682 meurtres en cinq mois, et, secrètement, un affidé de Robespierre en déclare 6000[4]. Des maréchaux ferrants sont condamnés à mort pour avoir ferré les chevaux de la cavalerie lyonnaise ; des pom-

  1. Mallet du Pan, II, 17. — Guillon de Montléon, II, 259.
  2. Guillon de Montléon, II, 281 (Décret de la Convention, 12 octobre) ; II, 312 (Arrêté de Couthon et de ses collègues, 25 octobre) ; II, 366-372 (Instruction de la commission temporaire, 26 brumaire).
  3. Ib., III, 153-156 (Lettre de La Porte à Couthon, 13 avril 1794).
  4. Ib., III, 135-137 (Arrêté de la commission révolutionnaire, 17 germinal, et lettre de Cadillot à Robespierre, floréal an II). — Ib., III, 63.