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LA RÉVOLUTION


la distribution se fait toujours très mal, à raison d’un quarteron ; les deux tiers des citoyens s’en sont passés. Une femme, à la vue de son mari exalté et de ses quatre enfants sans pain depuis deux jours, s’est traînée dans le ruisseau en se cognant la tête et s’arrachant les cheveux ; puis elle s’est relevée furieuse, comme pour aller se jeter à l’eau. » — Le 20 floréal, « tous s’écrient qu’on ne peut vivre avec trois onces de pain, et encore d’une très mauvaise qualité. Les mères de famille, les femmes enceintes tombent de faiblesse ». — Le 21 floréal, « les inspecteurs déclarent que, dans les rues, on rencontre beaucoup de personnes qui tombent de faiblesse et d’inanition ». — Le 23 floréal, « une citoyenne qui n’avait pas de pain à donner à son enfant l’a attaché à son côté et s’est jetée à l’eau. Hier matin, un particulier, nommé Mottez, désespéré par le besoin, s’est coupé le cou ». — Le 25 floréal, « plusieurs individus, dénués de tout moyen de subsister, s’abandonnent à un découragement total et tombent de lassitude et d’épuisement… Dans la section des Gravilliers, on a trouvé deux hommes morts d’inanition… Les officiers de paix rapportent le décès de plusieurs citoyens ; l’un s’est coupé le cou, l’autre a été trouvé mort dans son lit ». — Le 28 floréal, « quantité d’individus tombent de faiblesse, faute de nourriture ; hier un homme a été trouvé mort, et d’autres épuisés de besoin ». — Le 24 prairial, « l’inspecteur Laignier annonce que l’indigent est obligé de chercher sa nourriture dans les