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iii
PRÉFACE


tions, la machine de l’an VIII nous a façonnés, en mal comme en bien, à demeure ; si depuis un siècle elle nous soutient, depuis un siècle elle nous comprime, et nous avons contracté les infirmités qu’elle comporte, arrêts de développement, troubles de la sensibilité, instabilité de l’équilibre interne, travers de l’intelligence et de la volonté, idées fixes et idées fausses. Ce sont nos idées : à ce titre, nous y tenons, ou plutôt elles nous tiennent. Pour nous en détacher, pour imposer à notre esprit le recul nécessaire, pour nous transporter à distance et nous mettre au point de vue critique, pour parvenir à nous envisager, nous, nos idées et nos institutions, comme un objet de science, il nous faut un grand effort, beaucoup de précautions, une longue réflexion. — De là les lenteurs de cette étude ; le lecteur les excusera, s’il considère qu’en pareil sujet une opinion ordinaire, acquise à la volée, ne suffit pas ; à tout le moins, quand on en présente une, on est tenu d’y croire ; je ne puis croire à la mienne que lorsqu’elle est devenue précise et me semble prouvée.


Menthon-Saint-Bernard, septembre 1890.