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de mademoiselle de Portes[1], de la maison de Budos ; c’étoit une belle fille, mais pauvre, et qui, quoiqu’elle fût bien demoiselle, n’étoit pas pourtant de naissance à prétendre un connétable. C’est à cause de cela, et sur ce qu’elle mourut d’apoplexie, et qu’elle avoit le visage tout contourné, qu’on a dit qu’elle s’étoit donnée au diable pour épouser M. le connétable, et que César, un Italien qui passoit pour magicien à la cour, avoit été l’entremetteur de ce pacte.

Ce César disoit qu’il n’avoit point trouvé de si méchantes femmes qu’en France, et qui fussent si vindicatives. Je ne m’en étonne pas, car presque partout ailleurs elles sont comme enfermées, et ne peuvent pas faire galanterie, puisqu’elles ne voient point d’hommes. Le bonhomme de La Haye, un vieux gentilhomme huguenot, qui avoit bien vu des choses, m’a dit que César n’étoit qu’un fourbe : « Vous me voulez, lui disoit-il, faire voir le diable dans une cave où cinq ou six coquins charbonnés me viendront peut-être bien étriller. Je le veux voir dans la plaine Saint-Denis. »

Après la mort de sa femme, le connétable épousa une demoiselle de Montoison[2], tante de sa femme, parce qu’il la trouva sous sa main, car elle n’étoit ni jeune ni belle. Au bout de trois mois il en fut si las, qu’il la relégua à Meru. Depuis sa mort, cette madame la connétable fut dame d’honneur de la reine Anne d’Autriche. Mais quand M. de Luynes voulut faire sa

  1. Louise de Budos, fille du vicomte de Portes, née le 13 juillet 1575, mariée le 13 mars 1593, morte à Chantilly le 30 avril 1598.
  2. Laurence de Clermont, fille de Claude de Clermont, comte de Montoison. Ce mariage fut contracté en 1601.