Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/129

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il se dépêtre d’elle, prend son cheval et s’enfuit à Paris. L’amante délaissée, afin d’avoir un prétexte d’aller aussi à Paris et de suivre son amant, feint d’être malade et de vomir du sang. Effectivement elle en vomissoit, mais ce n’étoit pas du sien, tout cela se faisoit par artifice. Elle se fait porter à Paris dans un brancard pour s’y faire traiter. Le bruit courut qu’elle se mouroit. Elle écrivit en vain au Père de La Grange, et voyant qu’il n’y avoit plus d’espérance, elle se guérit toute seule. Mais avant cela elle découvrit qu’il étoit à Rouen ; lui qui savoit que cette folle y étoit aussi, disoit sa messe le premier, et se tenoit caché. Un jour elle y alla de si bonne heure qu’elle le rencontra ; pour elle, elle étoit déguisée en bourgeoise. Il fit un grand cri quand il l’aperçut, mais il ne laissa pas de dire sa messe ; ce fut en allant à l’autel qu’il la reconnut. Il partit dès le jour même.

Elle fut aimée ensuite de M. de Chevreuse. En ce temps-là, faute d’argent, elle souffrit les galanteries d’un partisan nommé Moisset ; c’est celui qui a bâti Ruel ; c’étoit le Montauron de ce temps-là. Elle fut même si dévergondée que de loger chez lui. M. de Chevreuse lui en fit des reproches, et feignit de la vouloir quitter. Elle, pour lui montrer qu’elle ne pouvoit vivre sans lui, fit semblant d’avaler des diamants non enchâssés qu’elle tenoit alors dans une boîte ; mais elle laissa tomber les diamants et ne fit que lécher les bords de la boîte. Sur cela on fit un conte quelque temps après : on disoit que feu Comminges, frère de Guitaud, capitaine des gardes de la Reine, qui la servoit auprès de M. de Bassompierre dont elle s’étoit éprise, lui ayant rapporté que M. de Bassompierre ne correspondoit