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si à la hâte, M. de La Force étoit sur les degrés de l’Hôtel-de-Ville, et les crocheteurs lui touchoient dans la main en disant : « Oui, monsieur le maréchal, je veux aller à la guerre avec vous. »

C’est une race de bonnes gens qui ont presque tous du cœur, mais qui n’ont point bonne mine. Le bon homme étoit bien fait, mais sa femme étoit fort laide. Ils n’ont jamais pu se défaire de dire : Ils allarent, ils mangearent, ils frapparent, etc., etc.[1]. Rarement trouvera-t-on une maison où l’on ait moins l’air du monde[2].

Ce n’est pas que le bon homme ne fût courtisan à sa mode, mais ce n’étoit pas des plus fins. Il fit une

    monta dans son carrosse, et se promena sans gardes dans les rues, sans que personne lui osât dire mot. » (Mémoires de Montglas, dans la Collection des Mémoires relatifs à l’histoire de France, deuxième série, tom. 49, pag. 126.)

  1. Ancienne locution du midi que l’on retrouve dans tout ce qui reste de manuscrits originaux de Brantôme.
  2. Comme il étoit devant Renty, en Flandre, il dit à M. de Castelnau, son fils : « Castelnau, vous vous êtes tout rouillé dans la province. » Ce Castelnau fut commandé pour escorter les femmes avec douze cents chevaux et dix-huit cents hommes de pied. Le voilà en bataille ; il prononce lui-même le ban que personne, sous peine de la vie, n’eût à sortir de son rang ; il n’eut pas plus tôt achevé qu’un lièvre vint à partir. Au lieu de retenir ses gens, il crie le premier : Ah ! lévrier ! tout le monde le suit, on prend le lièvre. Après il tâcha de rallier ses gens, et crie : Ah ! cavalerie ! plus fort qu’il n’avoit crié ah ! lévrier ! Mais il n’y eut jamais moyen, et si l’ennemi eût donné, c’étoit une affaire faite, tous les équipages étoient perdus. Dans le conseil de guerre en cette même campagne, il opina ainsi : « Je suis d’avis que nous nous retirions ; j’avois de l’avoine, je n’en ai plus, il faut s’en aller. » Cet homme-là, cependant, avec cent mille livres de partage, a si bien fait qu’il a marié trois filles de quatre qu’il avoit, l’une à M. de Ravailles, aîné de sa maison, premier baron de Béarn ; la seconde au comte de Lauzun, et la troisième au marquis de Montbrun, tous grands seigneurs. (T.)