Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/163

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui avoit dit, et il en parloit souvent à M. des Yveteaux, qui étoit alors précepteur de M. de Vendôme. M. des Yveteaux lui offrit plusieurs fois de le faire venir ; ils étoient de même ville ; mais le Roi, qui étoit ménager, n’osoit le faire, de peur d’être chargé d’une nouvelle pension. Cela fut cause que Malherbe ne fit la révérence au Roi que trois ou quatre ans après que M. du Perron lui en eut parlé. Encore fut-ce par occasion. Étant venu à Paris pour ses affaires particulières, M. des Yveteaux en avertit le Roi, qui aussitôt l’envoya quérir. Ce fut en l’an 1605. Comme le Roi étoit sur le point de partir pour aller en Limosin, il lui commanda de faire des vers sur son voyage. Malherbe en fit, et les lui présenta à son retour. C’est cette pièce qui commence ainsi :

Ô Dieu, dont les bontés de nos larmes touchées, etc.[1].

Le Roi la trouva admirable, et désira de le retenir à son service ; mais, par une épargne, ou plutôt une lésine, que je ne comprends point, il commanda à M. de Bellegarde, alors premier gentilhomme de la chambre, de le garder jusqu’à ce qu’il l’eût mis sur l’état de ses pensionnaires. M. de Bellegarde lui donna mille livres d’appointements avec sa table, et lui entretenoit un laquais et un cheval[2].

Ce fut là que Racan, qui alors étoit page de la chambre sous M. de Bellegarde, et qui commençoit déjà à rimailler, eut la connaissance de Malherbe, et

  1. Édition Barbou, pag. 65.
  2. Racan, on le pense bien, s’est donné de garde d’entrer dans ces détails sur la lésine du Roi, et de la laisser même entrevoir.