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un mausolée à mon fils. » Il usa du mot de mausolée, au lieu de celui de tombeau, et fit le poète partout.

Depuis, ce traité n’ayant pas réussi, il alla exprès au siége de La Rochelle en demander justice au Roi, dont n’ayant pas eu toute la satisfaction qu’il espéroit, il disoit tout haut à Nesle, dans la cour du logis où le Roi logeoit, qu’il vouloit demander le combat contre M. de Piles. Des capitaines aux gardes et autres gens qui étoient là sourioient de le voir à cet âge-là parler d’aller sur le pré, et Racan, qui y étoit, et qui commandoit la compagnie des gendarmes du maréchal d’Effiat, comme son ami, le voulut tirer à part pour lui dire qu’on se moquoit de lui, et qu’il étoit ridicule à l’âge de soixante-treize ans de se vouloir battre contre un homme de vingt-cinq ; mais Malherbe, l’interrompant brusquement, lui dit : « C’est pour cela que je le fais. Je hasarde un sol contre une pistole. »

Le bon homme gagna à ce voyage la maladie dont il mourut à son retour à Paris, un peu devant la prise de La Rochelle[1].

Il n’étoit pas autrement persuadé de l’autre vie, et disoit, quand on lui parloit de l’enfer et du paradis : « J’ai vécu comme les autres, je veux mourir comme les autres, et aller où vont les autres. »

On eut bien de la peine à le résoudre à se confesser ; il disoit pour ses raisons qu’il n’avoit accoutumé de se confesser qu’à Pâques. Il observoit pourtant assez régulièrement les commandements de l’Église, et ne mangea de la viande ce samedi d’après la Chandeleur[2] que

  1. Malherbe mourut en 1628, à l’âge de soixante-treize ans.
  2. Voir précédemment, pag. 171.