Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/21

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À ce propos un conte d’Angleterre. Milord Montaigu étoit mal satisfait du roi Jacques, et un jour qu’un gentilhomme écossois, que le roi avoit plusieurs fois évité, venoit pour lui demander récompense, il lui dit : « Sire, vous ne sauriez plus fuir ; cet homme-là ne vous connoît point, j’ai votre ordre, je ferai semblant que je suis le roi, mettez-vous derrière. » L’Écossois fait sa harangue ; Montaigu lui répond : « Il ne faut pas que vous vous étonniez que je n’aie rien fait encore pour vous, puisque je n’ai rien fait pour Montaigu, qui m’a rendu tant de services. » Le roi Jacques entendit raillerie, et lui dit : « Ôtez-vous de delà, vous avez assez joué. »

Henri IV conçut fort bien que détruire Paris c’étoit, comme on dit, se couper le nez pour faire dépit à son visage : en cela plus sage que son prédécesseur, qui disoit que Paris avoit la tête trop grosse, et qu’il la lui falloit casser. Henri IV voulut pourtant, à telle fin que de raison, avoir une issue pour sortir hors de Paris sans être vu, et pour cela il fit faire la galerie du Louvre, qui n’est point du dessin de l’édifice, afin de gagner par là les Tuileries, qui ne sont dans l’enceinte des murs que depuis vingt ou vingt-cinq ans[1]. M. de Nevers en ce temps-là faisoit bâtir l’hôtel de Nevers. Henri IV le trouvoit un peu trop magnifique, pour être à l’opposite du Louvre[2], et un jour en causant

  1. Tallemant écrivoit ceci vers l’année 1657.
  2. L’hôtel de Nevers étoit situé près du Pont-Neuf entre la rue de Nevers et le palais de l’Institut. Il a fait place à l’hôtel de Conti, qui a été détruit vers la fin du règne de Louis XV, quand on a construit l’Hôtel de la Monnoie.