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duc de Terranove au royaume de Naples ; il se dit de cette maison-là. Au bout de chaque livre il y a, à la manière de Thucydide, fin du premier livre des Fortifications du comte de Pagan, et bien des couronnes de comte aux vignettes et partout. L’abbé d’Aubignac[1], qui a toujours de la bile de reste, entreprit à la première assemblée le pauvre Pagan, car il harangua contre les orgueilleux ; et pour le désigner, il disoit en un endroit qu’il falloit avoir deux bons yeux, car Pagan étoit borgne, et depuis il est devenu aveugle : il avoit perdu cet œil aux guerres de M. de Rohan. Il fallut y mettre le holà, car les gens s’échauffoient déjà dans leur harnois. L’abbé lui-même en avoit deux fort méchants, et enfin il est devenu quasi aveugle.

Il y avoit plus d’un comte pour rire à cette vénérable académie. Le comte de Bruslon, le bon homme, qui étoit un comte pour rire en la manière la plus désavantageuse, car ce n’étoit pas manque de qualité[2], se mit aussi à haranguer à son tour, et ayant trouvé Mardochée en son chemin, il décrivit si prolixement la broderie du hocqueton du héraut qui alloit devant lui, que jamais il n’y eut tant de choses dans le bouclier d’Achille. C’est de lui qu’à la guerre de Lorraine on fit un couplet qui disoit :

Ce grand foudre de guerre,
Le comte de Bruslon,
Étoit comme un tonnerre,
Avec son bataillon,

  1. François Hédelin, abbé d’Aubignac, auteur de la Pratique du théâtre, et de beaucoup d’autres ouvrages peu estimés, mourut en 1676.
  2. Il étoit introducteur des ambassadeurs. (T.)