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louer les ouvrages de Malherbe, qui étoit nouvellement arrivé à la cour. Quelque temps après, elle vit un homme en quelque lieu qu’elle prit pour Malherbe, et le pria extrêmement de la venir voir. C’étoit un orfèvre qui crut qu’elle vouloit quelques pierreries, et lui dit qu’il lui apporteroit donc de ses ouvrages. « Monsieur, je vous en prie, » ajouta-t-elle, et lui fit bien des civilités. Cet homme va le lendemain à l’hôtel de Guise, mais il ne fut pas plus tôt dans la chambre qu’elle reconnut sa bévue.

M. de Guise dit un jour à son cocher : « Mène-moi partout où tu voudras, pourvu que j’aille chez M. le Nonce et chez M. de Lomenie. » Il alla d’abord chez le dernier, qu’il prit toujours pour M. le Nonce, et il ne vouloit pas souffrir que M. de Lomenie le conduisît.

Il mentoit, et souvent à force de dire un mensonge, il croyoit ce qu’il disoit. Un jour lui, M. d’Angoulême et M. de Bassompierre jouoient à qui diroit la plus grande menterie. M. de Guise dit : « J’avois une levrette qui, courant après un lièvre, se jeta dans des ronces ; une ronce coupa le corps de la levrette par le milieu, et la partie de devant alla happer le lièvre. » M. d’Angoulême dit qu’il avoit un chien courant qui arrêtoit les hérons, puis qu’on les terrassoit, et que des masses il avoit fait bâtir Gros-Bois. « Pour moi, dit M. de Bassompierre, je me donne au diable si ces messieurs ne disent vrai. »

M. de Guise étoit libéral. Le président de Chevry lui envoya par Corbinelli[1], son commis, cinquante mille

  1. Raphaël Corbinelli, père de Jean Corbinelli, qui a été plus célèbre par l’amitié que lui portoit madame de Sévigné, que par les ouvrages qu’il a laissés. Raphaël, secrétaire du maréchal d’Ancre, fut enveloppé dans sa disgrâce. (Voyez le Mercure français, tom. 4, deuxième partie, pag. 205.)