Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/255

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Vous chevauchez, ma foi,
Mieux que tant que nous sommes.
 Elle est
Au régiment des gardes,
 Comme un cadet.

Avant ce voyage d’Espagne, elle en avoit fait un en Lorraine. En moins de rien elle brouilla toute la cour, et ce fut elle qui donna commencement au mauvais ménage du duc Charles[1] et de la duchesse sa femme, car le duc étant devenu amoureux d’elle, et lui ayant donné un diamant qui venoit de sa femme, et que sa femme connoissoit fort bien, elle l’envoya le lendemain à la duchesse.

Revenons à M. de Chevreuse. Quoique endetté, sa table, son écurie, ses gens ont toujours été en bon état. Il a toujours été propre. Il étoit devenu fort sourd et pétoit à table, même sans s’en apercevoir. Quand il fit ce grand parc à Dampierre, il le fit à la manière du bonhomme d’Angoulême ; il enferma les terres du tiers et du quart : il est vrai que ce ne sont pas trop bonnes terres ; et, pour apaiser les propriétaires, il leur promit qu’il leur en donneroit à chacun une clef, qu’il est encore à leur donner.

Il avoit là un petit sérail ; à Pâques, quand il falloit se confesser, le même carrosse qui alloit quérir le confesseur, emmenoit les mignonnes et les reprenoit en ramenant le confesseur. Il avoit je ne sais quel brasselet où il avoit, je pense, dedans quelque petite toison. Il le montroit à tout le monde, et disoit : « J’ai si bien fait à ces pâques, que j’ai conservé mon brasselet. » Il avoit soixante-dix ans quand il faisoit cette

  1. Charles de Lorraine, duc de Guise.