Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/286

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Un gentilhomme, dont il étoit rapporteur, alla une fois pour parler à lui ; il le rencontra en habit court, fait comme un cuistre, qui revenoit de la cave, avec son martinet à la main. Il ne l’avoit peut-être jamais vu, ou il ne le reconnut pas, et il lui dit : « Mon ami, où est M. de Turin ? — Mon ami ! dit M. de Turin, quel impertinent est-ce là ? » Le cavalier, peu accoutumé à souffrir des injures, lui donne un soufflet et se retire. Il sut après que c’étoit M. de Turin, et le voilà en belle peine. Le bon homme rapporta le procès comme si de rien n’étoit, et dit à son clerc : « Cheval, apporte-moi le procès de ce batteur. » Il le voit, et trouvant que le cavalier avoit bon droit, il le lui fait gagner, et l’ayant rencontré sur les degrés du Palais, il lui donne un petit coup sur la joue en riant, et lui dit : « Apprenez à ne battre plus les gens : vous avez gagné votre procès. » L’autre, qui croyoit tout perdu, se pensa mettre à genoux.

Il se trouva chargé du procès d’entre feu M. de Bouillon et M. de Bouillon La Marck, pour Sédan. Henri IV l’envoya quérir, et lui dit : « Monsieur de Turin, je veux que M. de Bouillon gagne son procès. — Hé bien, Sire, lui répondit le bon homme, il n’y a rien plus aisé ; je vous l’enverrai, vous le jugerez vous-même. » Quand il fut parti, quelqu’un dit au Roi : « Sire, vous ne connoissez pas le personnage, il est homme à faire ce qu’il vous vient de dire. » Le Roi sur cela y envoya, et on trouva le bon homme qui chargeoit les sacs sur un crocheteur. Le Roi accommoda cette affaire.

Madame de Guise et mademoiselle de Guise, sa fille, depuis princesse de Conti, le furent solliciter une fois. Il les fit attendre assez long-temps, et après il se mit à