Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/301

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façons. C’est une grande hâbleuse. Elle a eu pourtant le sens de s’habiller modestement, quoiqu’elle fût encore fraîche.

Elle a une fille mariée avec le marquis de Maulny, fils du maréchal d’Étampes, son proche parent. C’est une fort jolie personne, mais il falloit être bien hardi pour l’épouser : c’étoit une terrible éveillée.

On en fait un conte assez gaillard. Sa mère lui faisoit apprendre en même temps à écrire, à dessiner, à danser, à chanter, à jouer du luth, et même à jouer des gobelets. On lui montroit l’italien, l’espagnol et l’allemand. Or ils menèrent un jeune Allemand au Grand-Pressigny, qui étoit beau garçon, mais fort innocent. Un jour que la demoiselle étoit sur son lit, elle lui dit en allemand : « Un tel, mettez-vous là, auprès de moi. » Il s’y met..... « Ah ! mademoiselle, lui dit cet adolescent, vous me perdez. — Voire, voire, répondit-elle, vous vous moquez… Je dirai que vous m’en avez priée. » On dit que l’Allemand ne fit pas comme Joseph. On dit qu’un jour le cardinal de Richelieu pria madame de Pisieux de la faire chanter. Elle étoit encore fille ; elle, peut-être par bizarrerie, ou bien ne prenant point de plaisir à faire la chanteuse, après s’être bien fait prier, se mit à chanter une chanson de laquais, où il y a à la fin :

J’ai grand mal au vistannoire,
 J’ai grand mal au doigt.

Le cardinal trouva cela assez ridicule, et dit à la mère : « Madame, je vous conseille de bien prendre garde au vistannoire de mademoiselle votre fille. »

M. le marquis de Maulny a pourtant si bien fait