Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/332

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

qui lui fût à charge, et qui l’engageât dans quelque parti, lui dit qu’il falloit qu’il l’épousât ou qu’il l’épouseroit lui-même. Le prince Maurice avoit raison, car il étoit bien las de ses cousins, les Châtillon, qu’il avoit sur les bras. Ainsi la voilà femme de celui qui devoit succéder au prince Maurice, elle qui n’avoit pas sept mille écus pour tout bien, qui étoit petite et médiocrement jolie. Elle ne fut pas long-temps à apprendre à faire la princesse, car Maurice mourut bientôt après[1]. On conte une chose assez notable de la fin de ce grand homme. Étant à l’extrémité, il fit venir un ministre et un prêtre, et les fit disputer de la religion ; et après les avoir ouïs assez long-temps : « Je vois bien, dit-il, qu’il n’y a rien de certain que les mathématiques[2]. » Et

    tout le jour. Il le menaça de le faire tondre, s’il ne se tenoit davantage au logis. Enfin ce garçon ne se pouvant captiver, un beau matin il fit venir un barbier, et fit tondre le galant si ras que de six mois il ne sortit de sa garde-robe.

    La maison de l’Aubespine, dont est ce M. d’Hauterive, est, je pense, la meilleure de Paris. L’oncle de M. d’Hauterive et de M. de Châteauneuf étoit secrétaire d’État, et portoit l’épée. Il mourut sans enfants. Son frère, qui étoit un vieux conseiller d’État, fut son héritier. D’Hauterive prit l’épée et l’autre la robe. Étant venu à Paris pour la succession de M. de Châteauneuf, il donna un jour à dîner à M. de Turenne, et comme on étoit à table, au lieu de se moucher avec son mouchoir, il se presse une narine et fait autant de bruit qu’un pistolet. Rumigny, qui étoit auprès de M. de Turenne, s’écria à ce bruit : « Monsieur, n’êtes-vous point blessé ? » Ce fut un éclat de rire le plus grand du monde. (T.)

  1. Le prince Maurice mourut le 23 avril 1625.
  2. On conte d’un prince d’Allemagne fort adonné aux mathématiques, qui, interrogé à l’article de la mort par un confesseur s’il ne croyoit pas, etc. : « Nous autres mathématiciens, lui dit-il, croyons que 2 et 2 sont 4, et 4 et 4 sont 8. » (T.) C’est mot pour mot ce que dit Sganarelle de Don Juan, acte 3, scène 2 du Festin de Pierre, dans les exemplaires non cartonnés de l’édition des Œuvres de Molière de 1682.