Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/343

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Il le lui pardonna, et depuis elle lui a rendu tous les devoirs imaginables.

Un conseiller d’État de l’infante Claire-Eugénie avoit une belle femme, et quoiqu’ils n’eussent guère de bien, leur maison alloit pourtant comme il falloit, et ils faisoient fort bonne chère, car la galante en gagnoit. Cela dura assez long-temps sans que le mari s’informât d’où venoit cette abondance. La femme, étonnée d’une si grande stupidité, peu à peu, pour voir s’il s’apercevoit de quelque chose, diminua l’ordinaire. Il ne disoit rien, il faisoit semblant de ne le pas voir. Enfin, elle retrancha tant, qu’elle le réduisit à un couple d’œufs. Alors la patience lui échappa ; il prit les deux œufs et les jeta contre la muraille, en disant : « Est-ce là le dîner d’un cocu ? » Elle, voyant qu’il entendoit raillerie, remit dès le lendemain les choses en leur premier état. J’ai ouï faire ce conte d’un François, et je pense qu’il est de tout pays ; mais il n’en est pas moins bon pour cela.

M. Guy, célèbre traiteur à Paris, ne trouvant ni sa femme, ni un des principaux garçons, une fois qu’il avoit bien des gens chez lui, alla fureter partout, et les rencontra aux prises : « Hé ! Vertu-Dieu ! ce dit-il, c’est bien se moquer des gens que de prendre si mal son temps, et ne pouviez-vous pas attendre que nous eussions un peu moins d’affaires ? »