Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/370

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Le cardinal ne pouvoit digérer qu’on lui reprochât qu’il n’étoit pas de bonne maison, et rien ne lui a tant tenu à l’esprit que cela. Les pièces qu’on imprimoit[1] à Bruxelles contre lui le chagrinoient terriblement. Il en eut un tel dépit, que cela ne contribua pas peu à déclarer la guerre à l’Espagne. Mais ce fut principalement pour se rendre nécessaire. L’année que les ennemis prirent Corbie, quoiqu’il y eût toujours une petite épargne de cinq cent mille écus chez Mauroy l’intendant, le cardinal étoit pourtant bien empêché. Le bon homme Bullion, surintendant des finances, l’alla voir : « Qu’avez-vous, monseigneur[2] ? je vous trouve triste. » Il avoit un ton de vieillard un peu grondeur, mais ferme. « Hé, n’en ai-je pas assez de sujet ? dit le cardinal, les Espagnols sont entrés, ils ont pris des villes ; M. le comte de Soissons a été poussé en-deçà l’Oise, et nous n’avons plus d’armée. — Il en

  1. L’écrit qui l’a le plus fait enrager depuis cela, a été cette satire de mille vers, où il y a du feu, mais c’est tout. Il fit emprisonner bien des gens pour cela : mais il n’en pu rien découvrir. Je me souviens qu’on fermoit la porte sur soi pour la lire. Ce tyran-là étoit furieusement redouté. Je crois qu’elle vient de chez le cardinal de Retz ; on n’en sait pourtant rien de certain. (T.) — Cette pièce est connue sous le nom de la Milliade, parce qu’elle se compose de mille vers. Son véritable titre est : le Gouvernement présent, ou Éloge de Son Éminence. Barbier, qui, dans son Dictionnaire des Anonymes, en indique une édition de Paris, 1643, in-8o, dit à l’occasion de cet ouvrage : « Cette satire, publiée vers 1633, existe aussi sans indication de ville, sans nom d’imprimeur et sans date. On n’est pas bien certain du nom de son auteur : les uns l’attribuent à Favereau, conseiller à la cour des aides ; les autres à d’Estelan, fils du maréchal de Saint-Luc ; d’autres au sieur Brys, bon poète du temps. Cette dernière opinion paroît la plus fondée. » (Voyez la Bibliothèque historique de la France, t. 2, n° 32485.)
  2. Le cardinal a affecté de se faire appeler Monseigneur. (T.)