Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/378

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fantaisie il a gâté son principal corps-de-logis[1]. Il a bâti à la ville et aux champs en avaricieux. Il faut dire aussi, comme il est vrai, que d’abord il n’a pas eu un si grand dessein, et que tout n’a été fait qu’à bâtons rompus. Pour avoir la place nécessaire, il voulut acheter la maison où pendoit l’enseigne des Trois-Pucelles. Au commencement, il y alla par la douceur, et se mit à la raison ; mais le bourgeois à qui elle appartenoit disoit sottement que c’étoit l’héritage de ses pères. Le cardinal s’irrita enfin, et le fit mettre, par une vengeance honteuse, à la taxe des aisés. Après, il eut sa maison comme il voulut. Il laissa mettre à cette taxe Barentin de Charonne[2], qui avoit été son hôte tant de fois dans sa maison de Charonne. Ce n’est pas qu’il le méritât bien, car il étoit fort riche, et lui avoit fait une sottise en criaillant pour un bout de chandelle qu’on avoit mis contre une muraille, qui noircit quelques meubles. Pensez que ce n’étoit point du consentement du cardinal, qui étoit fort propre, et qui ne gâtoit jamais rien. On n’a point vu de maison mieux tenue ni mieux réglée que la sienne. Barentin fut si sot

  1. Il laissa le Palais-Cardinal, comme on le voit par son testament, au dauphin, pour loger le dauphin, ou du moins l’héritier présomptif de la couronne. Quand la cour y alla loger, peu de temps après la mort du feu Roi, on fit mettre : Palais-Royal. Cela fut fort ridicule de changer cette inscription. En 1647, madame d’Aiguillon prit son temps, et ayant représenté le tort que cela faisoit à son oncle, on lui permit de remettre : Palais-Cardinal. Le peuple disoit que c’étoit que la Reine l’avoit donné au cardinal Mazarin. (T.)
  2. Honoré Barentin, maître de la chambre aux deniers. Voyez la Chasse aux larrons, par Jean Bourgoin, sans date, in-8o, p. 88. C’est un livre curieux, écrit sous le règne de Louis XIII, où l’on voit les commencements de bien des gens devenus depuis de grands personnages.