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à être chevalier de l’Ordre, le cardinal lui dit : « Vraiment, voilà une belle dignité ! — C’est cependant cette dignité qui fait votre père chevalier. — Il n’en fut pas mieux à la cour pour cela. »

Le cabinet assurément donnoit de l’exercice au cardinal, aussi dépensoit-il fort en espions. Le roi étoit foible et n’osoit rien faire de lui-même. Une fois on trouva qu’il avoit été bien hardi de donner un évêché. Ce fut celui du Mans, vacant par la mort d’un Lavardin. Le Roi le sut avant que le cardinal en eût eu avis, et dit à un de ses aumôniers nommé La Ferté qu’il le lui donnoit. La Ferté alla trouver le cardinal, et lui dit en tremblant que le Roi lui avoit donné l’évêché du Mans sans qu’il le lui eût demandé. « Oh ! voire ! dit le cardinal, le Roi vous a donné l’évêché du Mans, il y a grande apparence à cela. » Ce garçon croyoit qu’on le lui ôteroit, et qu’on lui donneroit quelque petite chose en place. Mais le Roi dit au cardinal, la première fois qu’il le vit : « J’ai donné l’évêché du Mans à La Ferté. » Le cardinal, voyant cela, porta ce respect au Roi que de ne pas défaire ce qu’il avoit fait. La Ferté étoit fils d’un conseiller de Rouen, qui ne le put pas faire conseiller d’église dans son parlement, car il étoit cadet. À Paris, il trouva une charge d’aumônier pour vingt mille livres. Le père, quoiqu’assez mal intentionné pour lui, y consentit. Une sœur qu’il avoit à Paris le nourrissoit. Il se rendit fort assidu, et le Roi l’aimoit sans le témoigner.

La première conquête qu’on fit en Flandre, ce fut celle de Hesdin[1]. Le grand-maître de La Meilleraye

  1. En 1639.