Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/411

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peloit Langlois (au Palais on l’appeloit Langlois tireur d’armes, parce que son père étoit de ce métier-là, afin de le distinguer des autres qui s’appeloient comme lui). Cet avocat avoit été procureur du roi de l’intendance de Machault. Langlois vint, et en contant l’affaire, il ne disoit jamais que monsieur. Tous ceux qui étoient là lui disoient tout bas : « Dites monseigneur. » L’autre continuoit toujours à dire monsieur. Le cardinal se crevoit de rire de l’empressement de tous ses flatteurs, et écouta Langlois fort attentivement. L’avocat, quand il fut hors de là, dit : « Nous ne parlons au Palais que par monsieur ; je suis du Palais et ne sais point d’autre langage. »

Pour en revenir à M. le Grand, l’amiral de Brezé ne faisoit que d’arriver ; c’étoit vers l’Avent 1641, quand le cardinal, qui vouloit partir à la fin de janvier pour Perpignan, lui dit qu’il falloit se préparer pour armer les vaisseaux à Brest, et puis passer le détroit pour s’aller planter devant Barcelonne, afin d’empêcher le secours de Perpignan. Quelques jours après, Brezé entra dans la chambre du Roi. Pensez que l’huissier ne le laissoit pas gratter deux fois. Le Roi et M. le Grand parloient dans la ruelle. Brezé entend, sans être vu, que M. le Grand disoit le diable du cardinal[1]. Il se retire ; il consulte en lui-même. Il n’avoit pas en-

  1. Le bruit ayant couru qu’il avoit fait venir des gens pour assassiner le cardinal, M. le duc d’Enghien offrit à Son Éminence de le tuer. Le marquis de Pienne le sut et le dit à Rumigny, qui conseilla à M. le Grand de le dire au Roi. Il dit le lendemain à Rumigny : « Le Roi m’a dit : Prends de mes gardes, cher ami. — Et pourquoi n’en avez-vous pas pris ? lui dit Rumigny en le regardant entre les deux yeux. Vous ne me dites pas vrai. » Le jeune homme rougit. « Au moins, ajouta Rumigny, allez chez M. le duc accompagné de trois ou quatre de