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ne put vivre jusques à vingt ans. Les autres ne sont pas morts faute de bons tempéraments.

Albert de Gondi, depuis maréchal et duc de Retz, avoit été premier gentilhomme de la chambre sous Charles IX ; Henri III étant parvenu à la couronne, il se douta bien, car il étoit bon courtisan, qu’on l’obligeroit à se défaire de sa charge, car c’est proprement une charge pour un homme qui plaît, et nullement pour un visage qui n’est point agréable. Il fut donc trouver le Roi et lui remit sa charge. Le Roi la donna à M. de Joyeuse, et le lendemain envoya un brevet de duc à madame de Retz, avec ce compliment, « qu’elle étoit de trop bonne maison pour n’avoir pas un rang que de moindres qu’elle avoient. » Et cela étoit bien plus galant que s’il se fût adressé au mari. La duchesse de Retz, de la maison de Clermont-Tallard de Tonnerre, étoit veuve du fils de M. l’amiral d’Annebault. Sa mère, madame de Dampierre[1], de la maison de Vivonne, ne pouvant l’empêcher d’épouser M. de Retz, lui donna sa malédiction. Cette mère avoit été dame d’honneur de la reine Élisabeth[2]. On conte d’elle une chose assez raisonnable. Elle avoit fait une de ses nièces fille d’honneur de la reine Louise, et s’étant aperçue que le Roi la cajoloit, un beau matin elle la met dans un carrosse et la renvoie à son père. Le Roi n’en osa rien dire. Cette dame étoit fort estimée, et on avoit du respect pour elle.

Madame de Retz, malgré la malédiction de sa mère,

  1. Madame de Dampierre étoit tante de Brantôme, qui en a parlé fréquemment dans ses Mémoires.
  2. Élisabeth d’Autriche, femme de Charles IX. Brantôme en a tracé un charmant portrait dans ses Dames Illustres (Tom. 5 de l’édition Foucault de 1823).