Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/53

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Givry vinrent causer à la porte de la Conférence avec madame et mademoiselle de Guise. M. de Nemours[1], amoureux aussi bien qu’eux de cette jeune princesse, nonobstant la trève fit tirer sur eux. Bellegarde se retire, et Givry, qui étoit plus brave que lui, lui crioit : « Quoi, Bellegarde, tu fais retraite devant cette beauté ! » Enfin Givry[2], voyant qu’elle le quittoit, lui écrivit un billet que je mettrai ici, parce que c’est un des plus beaux billets qu’on puisse trouver :

« Vous verrez, en apprenant la fin de ma vie, que je suis homme de parole, et qu’il étoit vrai que je ne voulois vivre qu’autant que j’aurois l’honneur de vos bonnes grâces. Car ayant appris votre changement, je cours au seul remède que j’y puisse apporter, et vais périr sans doute, puisque le ciel vous aime trop pour sauver ce que vous voulez perdre, et qu’il faudroit un miracle pour me tirer du péril où je me jetterai. La mort que je cherche et qui m’attend m’oblige à finir ce discours. Voyez donc, belle princesse, par mon respectueux désespoir, ce que peuvent vos mépris, et si j’en étois digne. »

En effet, il s’engagea si fort parmi les ennemis, au siége de Laon, qu’il y fut tué. On lui avoit prédit depuis peu, à ce que j’ai entendu dire, qu’il mourroit devant l’an, et cela se pouvoit entendre devant l’année, ou devant la ville de Laon.

Je dirai encore un mot de ce M. de Givry. Il avoit

  1. Celui qui après fut le tyran de Lyon. Il étoit frère de mère de M. de Guise, tué à Blois. Leur mère, fille de la duchesse de Ferrare (Renée), qui étoit fille de France, avoit épousé M. de Guise, puis M. de Nemours. (T.)
  2. Il étoit de la maison d’Anglure. (T.)