Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/55

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Elle avoit beaucoup d’esprit ; elle a même écrit une espèce de petit roman qu’on appelle les Adventures de la cour de Perse[1], où il y a bien des choses arrivées de son temps. Elle étoit humaine et charitable ; elle assistoit les gens de lettres, et servoit qui elle pouvoit. Il est vrai qu’elle étoit implacable pour celles qu’elle soupçonnoit d’avoir débauché ses galans. Vers la fin de sa vie, elle devint insupportable sur la grandeur de sa maison, et se mit si fort ses intérêts dans la tête qu’elle faisoit des choses étranges pour cela. Dans cette vision, passant un jour avec feu madame la comtesse de Soissons devant la porte du Petit-Bourbon[2] qui regarde sur l’eau, elle lui fit remarquer qu’on y voyoit encore un reste de la peinture jaune dont elle fut barbouillée autrefois, quand le connétable de Bourbon se retira[3]. « Il faut avouer, dit madame la comtesse, que nos rois ont été bien négligens de ne pas

  1. Les Adventures de la cour de Perse, où sont racontées plusieurs histoires d’amour et de guerre arrivées de notre temps ; Paris, Pomeray, 1629, in-8o. Jusqu’à présent on avoit attribué cet ouvrage à Jean Baudouin. (Voy. le Dictionnaire des Anonymes de Barbier.) On s’accorde à regarder la princesse de Conti comme l’auteur de l’Histoire des amours du grand Alcandre, insérée dans le Recueil de diverses pièces servant à l’histoire de Henri III ; Cologne, P. du Marteau, 1663, in-12. Cet ouvrage contient le tableau des galanteries de Henri IV, sous le nom du grand Alcandre ; la princesse de Conti y est désignée sous le nom de Milagarde. (Voyez le Recueil A B C, vol. S, pag. I.)
  2. Le Petit-Bourbon s’élevoit sur l’emplacement où l’on a construit depuis la colonnade du Louvre.
  3. « Après la mort de Charles de Bourbon, on fit peindre de jaune la porte et le seuil de son hôtel à Paris, devant le Louvre. C’étoit la coutume du temps passé, pour déclarer un homme traître à son roi, de peindre sa porte de jaune, et de semer du sel dans sa maison, comme on fit dans celle de M. l’amiral de Châtillon. » (Dictionnaire de Trévoux.)