Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/58

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duction, ou du moins une imitation de l’Arioste. On y mit un air, et tout le monde la chanta.

Un peu avant sa mort, il eut le déplaisir de voir un livre avec ce titre : la Conformité des Muses italiennes et des Muses françaises[1], où les sonnets qu’il avoit imités ou traduits étoient placés vis-à-vis des siens.

Il fit sa grande fortune durant la faveur de M. de Joyeuse, dont il étoit tout le conseil. Il eut quatre abbayes qui lui valoient plus de quarante mille livres de rente[2]. M. de Joyeuse le mit si bien avec Henri III, qu’il avoit grande part aux affaires. Ce fut alors qu’il fit beaucoup de bien aux gens de lettres, et leur fit donner bon nombre de bénéfices.

Je ne sais si ce fut lui qui mit chez le Roi un nommé Autron, dont Sa Majesté se servoit pour les harangues qu’il avoit à faire ; mais il ne l’avoit pas bien averti de ne pas se railler de son maître, car le Roi suant la v..... à Saint-Cloud, demanda un jour à Autron ce qu’on disoit à Paris. « Sire, dit-il étourdiment, on dit qu’il fait bien chaud à Saint-Cloud. » Le Roi se fâcha et lui dit qu’il se retirât.

Desportes cependant quitta le parti du Roi pour suivre messieurs de Guise, parce qu’il crut qu’infailliblement il succomberoit. Il se retira à Rouen avec l’amiral de Villars, auprès duquel il avoit tenu même

  1. N’est-ce pas plutôt les Rencontres des Muses de France et d’Italie, 1604, in-4o  ? Desportes, s’il éprouva du déplaisir de ce rapprochement, comme le dit Tallemant, eut l’art de le déguiser, et répondit de bonne grâce « qu’il avoit pris aux Italiens plus qu’on ne disoit, et que si l’auteur l’avoit consulté, il lui auroit fourni de bons Mémoires. »
  2. Desportes étoit chanoine de la Sainte-Chapelle, abbé de Tiron, de Bonport, de Josaphat, des Vaux-de-Cernai, et d’Aurillac. (Dreux de Radier, loc. cit.)