Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/165

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manda au cardinal s’il ne trouveroit point mauvais qu’il le vît. « Vous me ferez plaisir, » dit le cardinal. Bois-Robert traita magnifiquement le maréchal, et perdit après-dîner six-vingts pistoles contre lui, car il ne peut se tenir de jouer, et joue comme un enfant.

Le cardinal fit ensuite le voyage de Perpignan, et comme il étoit malade à Narbonne, Citois lui dit : « Je ne sais plus que vous donner, si ce n’est trois dragmes de Bois-Robert après le repas. — Il n’est pas encore temps, monsieur Citois, » dit le cardinal.

Après la mort de M. le Grand, tout le monde parla pour Bois-Robert. Le cardinal Mazarin lui écrivit : « Vous pouvez aller à Paris, si vous y avez des affaires. » Bois-Robert y vient, et en attendant Son Éminence il perd vingt-deux mille écus qu’il avoit en argent comptant. Le cardinal arrivé, le cardinal Mazarin écrit à Bois-Robert : « Venez me demander un tel jour, et fussé-je dans la chambre de Son Éminence, venez me trouver. » Bois-Robert y va. Le cardinal l’embrasse en sanglotant, car il aimoit ceux dont il croyoit être aimé[1]. Bois-Robert, qui voyoit pleurer son maître, ne put cette fois, contre sa coutume, trouver une larme. Il s’avise de faire le saisi, et le cardinal Mazarin, qui le vouloit servir, dit : « Voyez ce pauvre homme, il étouffe ; il en est si saisi qu’il ne sauroit pleurer ; quelquefois on est suffoqué

  1. Ce fut pour cette raison qu’il fit la fortune du comte de Charost (Béthune) ; car dans le commencement il ne le pouvoit souffrir, et disoit : « Que ferai-je de ce grand Béthune ? » Il ne servoit qu’à marcher sur ses crachats. (T.) — Voir précédemment, pag. 109, ce qui amena ce retour.