Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/172

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ah ! vieux usurier, c’est vous, » dit le fils. Il y avoit mis aussi la conversation de Ninon et de madame Paget à un sermon, où cette dame, qui ne la connoissoit pas, se plaignit à elle que Bois-Robert vouloit quitter son quartier pour aller au faubourg Saint-Germain, pour une je ne sais qui de Ninon, et Ninon lui répondit : « Il ne faut pas croire tout ce qu’on dit, madame, on en pourroit dire autant de vous et de moi[1]. » Bois-Robert, étourdi à son ordinaire, alla dire en plusieurs lieux que c’étoit le président de Bercy dont il avoit voulu parler. Bercy, qui est un brutal, alla prendre cela de travers, au lieu d’en rire. Madame Paget fit aussi la sotte à son exemple. Bois-Robert disoit : « Je ferai signifier à cet homme que j’ai un neveu qui tue les gens[2], car, pour l’autre, il est renégat, et sera grand-visir un de ces matins. » Le Roi vouloit que la pièce se jouât, et Bois-Robert le vouloit prier de le lui commander en présence du président. Cependant il n’osa la faire jouer. Je pense que M. de Matignon, beau-frère de Bercy, l’en pria ; on lui

  1. On retrouve la même anecdote avec quelques différences dans l’article de Ninon.
  2. Il adressa une Épître, dont Tallemant cite du reste deux vers un peu plus loin, au chancelier, pour lui demander une abolition pour ses neveux qui ont tué un homme. Voici les arguments singulièrement modestes par lesquels il prouve leur innocence :

    … J’aurois lieu de les désavouer,
    Quand par leur cœur on me les vient louer.
    Je me sens bien, et je ne puis m’en taire,
    Je suis poltron, et je connois mon frère,
    Et l’on me berne avec un ton moqueur,
    Quand on me dit : Vos neveux ont du cœur.