Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/204

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la suite ; d’ailleurs, il était aussi fier que brave. En ce temps-là, il alla voir un matin M. le comte d’Alais, qui depuis a été M. d’Angoulême. Ce comte, faisant le prince, ne lui fit donner qu’un siége pliant, et lui, en s’habillant, étoit assis dans un fauteuil. « Je romprois ce siége, dit le chevalier, je suis trop gros[1] ; » et prend une chaise à bras. On lui présenta ensuite la chemise pour la donner au comte. « J’en ai pris une blanche ce matin, dit-il en la rejetant, je n’en ai que faire. »

Il alla un jour appeler Bouteville en duel, pour le marquis de Pons, oncle de M. de Montmorency ; il y avoit jalousie entre eux à qui seroit le mieux auprès de ce duc. Cavoye, depuis capitaine des gardes du cardinal de Richelieu, servoit Bouteville. Cavoye blessa le chevalier de deux petits coups, car il étoit fort adroit, et lui disoit : « Monsieur le chevalier, en avez-vous assez ? » Le chevalier lui répondit : « Un peu de patience, ne voltigez point tant, » et lui donna un si grand coup, qu’il en pensa mourir. M. de Montmorency arriva là-dessus, qui dit au chevalier qu’il lui apprendroit bien à faire des appels à ceux de sa maison. « Hé ! de quelle maison êtes-vous, fichu race de Ganelon ? reprit-il ; pardieu ! je me soucie bien de vous et de votre maison ! » Feu M. d’Angoulême, le père, y survint qui apaisa tout, et depuis, le chevalier fut fort bien avec M. de Montmorency même.

Nous l’appellerons désormais le bailli de Valençay, car il fut bailli d’assez bonne heure. Le marquis d’É-

  1. C’étoit un grand et bel homme, et hors qu’il avoit le ventre un peu gros, il avoit fort bonne mine. (T.)