Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/210

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cardinal et les Romains croyoient qu’il étoit fou. Il trouva que c’étoit de leurs gens. Il revint ; tout le monde le félicitoit comme d’un grand exploit. On s’avance vers Aquapendente ; on surprend les ennemis au fourrage ; on y fait quatre prisonniers ; vous eussiez dit qu’on avoit tout défait. Les cardinaux allèrent dire il bon prò[1] au Pape de ce que s’era visto il nemico in faccia, et le cardinal Antoine en étoit si ravi, qu’il embrassoit le bailli à tout bout de champ, et lui disoit : Mi avete fatto veder il nemico. Insensiblement on fit des troupes, et le bailli avoit un régiment de deux mille François, plus beau que le régiment des gardes. Il prit une bicoque auprès d’Aquapendente. Le duc de Parme déloge ; voilà le bailli sur le pinacle. Cependant voyez quelle étoit la légèreté du personnage : ayant eu avis qu’on lui permettoit de retourner à la cour de France, il quitte l’armée, et part pour aller prendre congé du Pape. Son neveu étoit à Pérouse, avec l’artillerie, dont il étoit général. Le cardinal Antoine le va trouver et lui dit que cela feroit mourir le Pape. Le commandeur va vite à Foligno, où il met ordre qu’on ne donne des chevaux de poste à personne. Le bailli arrive ; son neveu essuie toutes ses fougues, et le fait résoudre à attendre encore quinze jours.

Au bout de quatorze, il fut fait cardinal, et servit si bien contre les Vénitiens, qu’il entra dans leur pays, y fit du dégât, et les obligea à quitter le Boulonois. Le reste se verra dans les Mémoires de la Régence.

  1. Les cardinaux allèrent féliciter le pape.