Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/234

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’invention des alcôves, qui sont aujourd’hui si fort en vogue à Paris. La compagnie se va chauffer dans l’antichambre. Quand il gèle, elle se tient sur son lit, les jambes dans un sac de peau d’ours, et elle dit plaisamment, à cause de la grande quantité de coiffes qu’elle met l’hiver, qu’elle devient sourde à la Saint-Martin, et qu’elle recouvre l’ouïe à Pâques. Pendant les grands et longs froids de l’hiver passé, elle se hasarda de faire un peu de feu dans une petite cheminée qu’on a pratiquée dans sa petite chambre à alcôve. On mettoit un grand écran du côté du lit qui, étant plus éloigné qu’autrefois, n’en recevoit qu’une chaleur fort tempérée. Cependant cela ne dura pas long-temps, car elle en reçut à la fin de l’incommodité ; et cet été qu’il a fait un furieux chaud, elle en a pensé mourir, quoique sa maison fût fort fraîche.

Au dernier voyage qu’elle fit à Rambouillet, avant les barricades, elle y fit des prières pour son usage particulier, qui sont fort bien écrites. Ce fut à M. Conrart qu’elle les donna pour les faire copier par Jarry, cet homme qui imite l’impression, et qui a le plus beau caractère du monde[1]. Il les fit copier sur du vélin, et après les avoir fait relier le plus galamment qu’il put, il en fit un présent à celle qui en étoit l’auteur, s’il est permis d’user du masculin quand on parle d’une dame. Ce Jarry disoit naïvement : « Monsieur, laissez-moi quelques-unes de ces prières-là, car dans les Heures qu’on me fait copier quelquefois il y en a de si sottes que j’ai honte de les transcrire. »

  1. Les ouvrages de cet habile calligraphe sont portés, dans les ventes, à des prix fort élevés. On en voit des exemples curieux dans le Manuel du libraire de Brunet, au mot Jarry.