Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/269

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l’expérience et menez-moi à sa maison. » Il eut peur de s’attirer une méchante affaire, et l’y mena ; mais cette fille n’eut pas plus tôt le pied dans la cour qu’elle se moqua de lui, lui confessa qu’elle n’étoit point parente de madame de La Braigne, et lui dit qu’il ne se savoit guère bien servir de l’occasion.

Revenons à Croisilles. Il ne fut pas long-temps chez M. le comte, soit par sa faute, ou par la faute d’autrui, sans être mal avec plusieurs des officiers de son maître, qui lui rendoient tous les jours de mauvais offices auprès de lui. M. le comte, s’étant retiré à Sédan, crut qu’il ne seroit pas à propos de laisser le titulaire de tous ses bénéfices au pouvoir du cardinal de Richelieu ; il le manda donc. Croisilles fut tout aussitôt dire cette nouvelle à madame de Rambouillet, et ajouta : « J’ai mandé mes neveux, je suis obligé de les attendre pour les placer. » Mais il ne disoit point : « Je m’en irai quand cela sera fait. » Madame de Rambouillet lui représenta les obligations qu’il avoit à M. le comte, et lui conseilla de l’aller trouver le plus tôt qu’il lui seroit possible ; mais il étoit arrêté à Paris par d’étranges liens. Ce fou, soit qu’il crût qu’il étoit à propos que les prêtres fussent mariés, comme ils l’étoient autrefois, et qu’il pensât que c’étoit un trop grand péché que de coucher avec une femme que l’on n’a pas épousée, soit qu’étant amoureux, il ne vît pas d’autre moyen de contenter sa passion, ce fou s’étoit marié clandestinement. Il avoit eu par quelque rencontre la connoissance de la veuve d’un procureur au parlement, nommé Poque, qui avoit une fille de quatorze ans ou environ, et du bien honnêtement. Il fit accroire à cette femme, parce qu’il étoit toujours en habit long, qu’il étoit