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rien ; mais au bout de ce temps-là, la belle-mère découvrit la fourbe, et alla s’en plaindre à madame d’Aiguillon, qui d’abord n’en voulut rien croire. Pour s’en éclaircir, un jour que Croisilles, avec beaucoup d’autres gens, étoit chez elle, elle envoya quérir cette femme, la fit cacher, et lui fit demander si Croisilles étoit dans la compagnie. Cette femme le montra. Madame d’Aiguillon ne voulut pas pourtant faire éclater cette affaire ; elle envoya chercher M. Vincent[1], qui fut d’avis d’aller à Linas, y alla en effet, et amena le prêtre qui avoit marié Croisilles, et deux marguilliers qui l’avoient assisté. Il plante ces trois hommes en sentinelle à un coin de rue, d’où l’on voyoit au visage tous ceux qui sortoient de l’hôtel de Soissons. Ces gens reconnurent Croisilles entre cent autres ; il étoit rousseau, et facile à reconnoître.

Cependant M. le comte l’avoit tant pressé qu’il avoit été contraint de partir. Il ne fut pas plus tôt à Sédan, que ce prince lui reprocha son crime, et le fit garder dans une maison de la ville. Cela venoit de ce qu’un joueur de luth flamand, nommé Van-Brac, qui avoit été autrefois au grand-prieur de Vendôme, et qui étoit alors à M. le comte, lui avoit découvert le mariage de Croisilles, et s’étoit joint à la belle-mère pour lui faire faire son procès. C’étoit un petit fourbe qui espéroit qu’on le trouveroit assez honnête homme pour le mettre en la place de M. de Croisilles.

Notre prêtre marié écrit à mademoiselle Paulet, sa parente, qui n’a jamais cru qu’il fût coupable que quand elle l’a vu condamner et qu’on le tenoit en pri-

  1. Depuis canonisé sous le nom de saint Vincent de Paul.