Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/325

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avoit promis de passer chez elle, quoique ce fût un grand détour. Ce gentilhomme le trouva, et vint rapporter à la marquise qu’il brûloit de la revoir. « Mais encore, lui dit-elle, que faisoit-il ? — Madame, le lieu où il a dîné n’a pas de trop bons cabarets ; il a été contraint d’envoyer à des chasseurs du voisinage chercher deux perdrix ; il les a fait accommoder en sa présence, les a vu rôtir, et les a mangées de grand appétit. » Cela ne parut pas à la marquise une grande marque d’impatience ; elle en fut piquée ; et, quand il arriva, elle ne le voulut pas voir. Or, elle fit une fois ce conte-là à madame de Saint-Loup, dans le temps que M. de Candale commençoit à s’éprendre de madame d’Olonne : il alloit souper chez elle assez souvent tête à tête. Le premier soir qu’il y fut ensuite, par hasard il avoit faim, il mangea beaucoup ; il voulut après payer son écot ; elle bouda et lui conta l’histoire de la marquise. Il ne se tourmenta point trop de l’apaiser, et la laissa là.

Elle devint fort jalouse de M. de Montmorency, et elle lui reprocha fort d’avoir dansé à un bal, au Louvre, plusieurs fois avec les plus belles de la cour. « Hé ! que vouliez-vous que je fisse ? — Que vous ne dansassiez qu’avec les laides, monsieur, » lui dit-elle, aveuglée de sa colère. Mais ce fut bien pis, lorsqu’il se mit à faire le galant de la Reine. Elle ne le lui put pardonner, et elle a avoué qu’elle n’avoit point été fâchée de sa mort. Sa dernière galanterie fut avec Armentières, petit-fils de la vicomtesse d’Auchy, garçon qui avoit l’esprit vif, et qui disoit plaisamment les choses. (Il alloit presque tous les soirs déguisé en femme chez elle.) Elle en eut une fille qui