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le livre intitulé le Cuisinier français, qu’a fait le cuisinier[1] de M. d’Uxelles. « Il ne fait rien qui vaille, disoit-elle ; il le faudroit punir d’abuser ainsi le monde. »

Je vous laisse à penser si une personne comme je vous la viens de représenter peut avoir bien gouverné sa maison. Tout est tombé en une telle décadence, que ses enfans n’ont rien eu ; il n’y a que l’abbé qui soit à son aise, parce qu’on a trouvé moyen de lui faire avoir le doyenné de Tours et l’évêché de Léon. Nous parlerons ailleurs du chevalier, depuis M. de Laval[2].

Elle a l’honneur d’être une des plus grandes visionnaires du monde. Sur le chapitre de la mort, quand quelqu’un dit qu’il ne craint point de mourir : « Eh ! bien ! s’écrie-t-elle, quel mal vous peut-on donc souhaiter, si vous n’appréhendez pas le plus grand de tous les maux ? Je crains la mort plus que les autres, parce que personne n’a jamais si bien conçu ce que c’est que le néant. » Cependant elle est dévote, comme j’ai déjà remarqué, et fort persuadée, à ce qu’elle dit, de l’autre vie. Dans cette appréhension, elle soutient que tous les maux sont contagieux, et dit que le rhume se gagne. Souvent j’ai vu mademoiselle de Chalais[3] reléguée dans sa chambre parce qu’elle

  1. Si le nom de ce cuisinier venoit à être connu, ce seroit un article singulier à ajouter au Dictionnaire des anonymes de feu M. Barbier.
  2. Tallemant lui a consacré un article.
  3. C’est une fille d’esprit qui est à elle, mais qui ne la sert plus ; au contraire, mademoiselle de Chalais a une servante à elle. (T.) — Voiture a adressé plusieurs de ses lettres à mademoiselle de Chalais.