Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/330

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pondit-elle ; s’il n’est pas content de cela, donnez-lui encore six mois. »

La veuve d’un homme d’affaires qu’elle avoit s’étant remariée à un nommé d’Arsy, qui est une espèce d’escroc et de troqueur de chevaux, elle en fut fâchée ; enfin pourtant il fallut voir cet homme. Un peu avant qu’il vînt, il prit en vision à la marquise que, ne connoissant point cet homme, elle avoit tort de le laisser entrer, et qu’il seroit bon que M. de Laval y fût. M. de Laval vint ; d’Arsy fait sa visite ; mais il vint aussi une vision à M. de Laval, qui étoit gai et qui badinoit sans cesse. Il se met dans un coin, prend du crayon, et peint madame de Sablé sur son lit (on ne la voyoit guère autrement), d’Arsy auprès d’elle, et M. de Laval, avec tous les gens de la marquise avec des mousquets, qui miroient cet homme.

Avant que de loger dans une maison, elle fait enquêtes s’il n’y est mort personne, et on dit qu’elle ne voulut pas en louer une, parce qu’un maçon s’étoit tué en la bâtissant.

Elle se fait celer fort souvent sans nécessité, et quelquefois ses éclipses durent si long-temps que l’abbé de La Victoire, las d’aller tant de fois inutilement à sa porte, s’avisa de dire un jour en parlant d’elle : « Feu madame la marquise de Sablé, » et ajouta qu’il falloit faire tendre sa porte de deuil. Cela fut rapporté à la marquise, car il l’avoit dit en plus d’un lieu : ce discours lui donna de l’horreur. Elle eut peur d’être morte, et en fut long-temps brouillée avec lui. Elle est toujours sur son lit, faite comme quatre œufs, et le lit est propre comme la dame.

Durant le blocus de Paris (en 1649), elle se sauva à